l’instrumentarium
Klaus Rinke est l’une des figures majeures de l’art contemporain allemand et international. Il a côtoyé et traversé les grands courants artistiques des années 1960 et 1970 tels l’Art Conceptuel, l’Art Corporel ou le Land Art.
Acteur incontournable de la Kunstakademie de Düsseldorf où il enseigna pendant 30 ans, il a bâti une œuvre mêlant instruments physiques et psychiques de la mesure du temps afin d’élaborer une confrontation entre nature et culture.
Depuis plusieurs années le CCC OD a noué une relation étroite avec l’artiste, lui consacrant plusieurs expositions personnelles et s’impliquant dans la production d’œuvres ou de projets dans divers contextes.
Dans la Nef, l’artiste réactive “l’Instrumentarium”, son installation/performance réalisée en 1985 dans le Forum du Centre Pompidou à Paris. Le dispositif consistait alors en une présentation de son arsenal d’instruments de récupération, de mesure et de circulation de l’eau issus de ses performances et installation précédentes grâce auxquelles il a peu à peu construit son propre vocabulaire stylistique.
« Depuis que je fais de la sculpture, j’entends dire : ‘‘Mais que faites-vous avec toutes ces choses que vous utilisez ? Ces seaux, ces fils à plomb, ces robinets ?’’ Et j’ai toujours répondu qu’il s’agissait d’abord pour moi de donner une nouvelle conscience des choses, d’oublier ce qui en elles les cantonne dans leur valeur d’usage… J’ai d’autre part toujours rêvé de pouvoir rassembler tout ce que j’ai pu faire. C’est là d’abord l’idée de “l’Instrumentarium” : mettre en scène le résultat de mon « travail », méditer avec et par lui… »
Ce projet concrétise l’un des objectifs de la programmation de la Nef : la réactivation de grandes installations historiques des années 1960 à aujourd’hui.
« Mon Instrumentarium à Beaubourg, ce n’est pas seulement de la sculpture, c’est une pensée radicale où les instruments sont les guides pour une pensée philosophique et non pas seulement de la sculpture traditionnelle. Ce sont presque des instruments scientifiques, pas au sens de choses logiques, de moyens pour l’industrie, non, je suis un artiste scientifique pour une pensée artistique ; et le résultat ce sont les instruments. »
Cette grande composition sculpturale qui mêlait monde physique et philosophique dans une « fiction de science » prend une toute autre signification au CCC OD.
Pour cette réactualisation à Tours, Klaus Rinke mélange les eaux de grands fleuves traversant l’Europe, du Danube jusqu’à la Loire, située à proximité directe du centre d’art. Cette réactivation constitue l’occasion d’une réflexion sur les enjeux artistiques, culturels et géopolitiques actuels liés à l’eau et questionne la survivance de l’idée d’Europe. “L’Intrumentarium” de l’ingénieur-inventeur a pris une gravité et une acuité toute particulière dans sa réactivation. Désormais aux prises avec les questions sociétales et politiques de ce nouveau monde, celui du Brexit, de la crise migratoire, du repli sur soi et de l’oubli de l’histoire cette installation laisse place à la réflexion sur notre monde. Fruit d’un long processus de prélèvement des eaux qui façonnent géologiquement, économiquement et politiquement l’Europe.
[Extrait du dossier de presse – 2017]