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exposition collective “innland”


commissariat : Thora Dolven Balke, Élodie Stroecken
avec Ahmad Ghossein, Tiril Hasselknippe, Saman Kamyab, Ignas Krunglevičius, Kamilla Langeland, Lars Laumann, Solveig Lønseth, Ann Cathrin November Hoibø, Linn Pedersen, Tori Wrånes et Thora Dolven Balke.

 

Fidèle à sa mission prospective, le CCC OD est parti à la rencontre d’une génération de créateurs actifs sur la scène artistique norvégienne depuis les années 2000.

L’exposition “Innland” présente les travaux de onze artistes ayant tous un lien avec la Norvège, qu’ils y soient nés, y aient étudié ou qu’ils y vivent désormais. Plutôt que de s’intéresser à un groupe d’artistes par le spectre de leur nationalité, elle entend montrer comment ces artistes ont été influencés par les conditions-mêmes de leur temps, par un contexte commun de pensées et de production qui se manifeste dans leurs œuvres et dans leurs perspectives pour le futur. Pour la première fois, la Galerie noire se transforme en plateforme de production et d’expérimentations, dans une scénographie dense.

 

“Innland” fait référence à un terme issu du vocabulaire norvégien désignant l’intérieur d’un territoire et invite à porter un regard critique sur sa signification vis-à-vis de n’importe quel espace. Géographiquement parlant, “Innland” se situe loin des frontières d’un territoire et en tant que tel, il se tient à l’écart des influences extérieures qui pourraient le pénétrer. Il recouvre également une grande diversité de caractéristiques selon l’endroit dans lequel l’on se situe : en Norvège par exemple, le paysage intérieur est dense avec ses forêts, ses montagnes et ses lacs, très différent de l’ouverture des côtes qui constituent presque l’intégralité du pays. Mais dans le contexte de l’exposition, “Innland” désigne également un lieu métaphorique, une autre forme de topographie plus intime, qui renvoie à la vie intérieure de chacun, ses pensées et ses émotions, habituellement difficile d’accès. L’usage de ce terme aujourd’hui induit inévitablement une acception politique de “l’intérieur”, renvoyant aux frontières domestiques d’un pays, au moment où différentes puissances en Europe et ailleurs tentent d’ouvrir ou de refermer leurs frontières. Toutes ces interprétations d’ “Innland” qu’elles soient géographique, politique ou personnelle, se retrouvent dans les approches de chaque artiste, créant un territoire inédit et éphémère, qui ne se matérialisera que pour la durée de l’exposition.

 

Cette proposition est à l’image de la diversité de la scène artistique norvégienne. Ses protagonistes remettent profondément en question les médiums et techniques qu’ils emploient, ainsi que leurs limites. Les onze artistes d’ “Innland” induisent un questionnement sur la définition et les usages des images, la façon dont celles-ci sont produites et dont leur interprétation bouleverse notre appréhension du monde. Cette génération, manifestement saturée d’images, adopte une posture de ralentissement et de concentration, jouant sans cesse l’aller-retour entre la surface des objets et leur profondeur. Les artistes en Norvège jouent un rôle important dans la société, largement hérité des évolutions politiques des années 1970 qui ont mis en avant le rôle social de l’art. Aujourd’hui, les syndicats d’artistes prennent part aux discussions politiques, agissant tel un lien entre les artistes et le gouvernement. Suite à deux décennies de profondes transformations et de renforcement constant, ces dernières années ont été définies par une scène active d’artist run spaces dont la portée est allée bien au-delà des frontières nationales. Les artistes de l’exposition ont tous entamé leurs carrières en ce moment charnière où il n’y avait quasiment pas de dialogue entre les institutions artistiques établies et les artistes émergents. Beaucoup de ces derniers ont alors trouvé des moyens de créer leurs propres espaces de diffusion pour présenter leur travail dans un esprit de soutien mutuel, en dehors des circuits classiques des institutions et des galeries commerciales. Ce mouvement a permis à cette scène de prendre en main sa propre programmation, d’organiser des projets habituellement réservés à d’importantes institutions regroupant des artistes de nationalités, d’âges et de maturité différents. Hérité d’une longue tradition en Norvège, les arts visuels, la musique, la littérature et le théâtre ont resserré leurs liens, donnant naissance à des lieux de rencontre essentiels. De ce mouvement de fond est née une génération internationale d’artistes qui évolue librement entre les rôles de créateur, commissaire d’expositions et critique d’art d’une manière collaborative.

 

La sélection d’artistes opérée pour cette exposition est le fruit d’une collaboration entre l’artiste norvégienne Thora Dolven Balke, qui a elle-même géré l’artist run space Rekord, et Élodie Stroecken, chargée des expositions au CCC OD. Cette proposition est donc à l’image de cette association double, à la fois interne à cette scène artistique et externe par le point de vue d’une institution française qui découvre ces artistes. La majorité des oeuvres de l’exposition a été créée spécifiquement, parfois même en réaction au bâtiment dans lequel elles s’inscrivent.